Le premier sens du mot loi sert à qualifier la conduite des hommes. La loi, en effet, exprime la volonté divine et décrit donc pour toutes les époques le bien qu'il faut faire pour plaire au Seigneur. Du même coup, depuis que le péché est entré dans le monde, la loi définit et dénonce le mal (cf. Rm 3,20b).
Le second sens du mot loi sert à identifier le sort des hommes. La loi, en effet, règle leurs rapports avec Dieu. Ce régime est établi naturellement par le fait que l'homme, à qui les normes divines sont communiquées, est un être responsable. Ainsi, « celui qui fera ces choses vivra par elles » (Lv 18,5), tandis que celui qui ne les fera pas sera condamné et mourra. C'est donc un principe de justification devant Dieu qui est posé.
Ce principe, avant d'être repris dans la Loi de Moïse, est d'ailleurs formulé dès Genèse 2,16-17. Il concerne tous ceux qui naissent d'Adam.
Le régime de la loi n'est pas du légalisme. Cette interprétation illégitime de la loi consiste à imaginer que l'homme pécheur peut se contenter d'accomplir un certain nombre d'œuvres de la loi pour obtenir l'agrément de Dieu. De fait, le légaliste oublie qu'un seul péché le rend coupable (cf. Jc 2,10 ; Ga 3,10). En revanche, celui qui fait tout ce que prescrit la loi et qui le fait dans la dépendance de « Dieu qui opère … le vouloir et le faire » (Ph 2,13), celui-là est justement approuvé par Dieu. « Un seul l'a fait, et l'a bien fait ainsi : notre Seigneur Jésus. »
Par son obéissance parfaite, jusqu'au sacrifice de sa vie, Jésus-Christ a satisfait à notre place aux exigences de la loi. Il lève ainsi la malédiction de la loi pour tous ceux qui l'ont pour chef, pour représentant.
En Jésus-Christ, nouvel Adam, Dieu conclut une alliance avec tous les siens. Pour tous ceux qui sont en Christ, le régime de la loi est alors abrogé, et la justification leur est accordée gratuitement à cause du sacrifice de la croix. Pour eux, le principe de justification par la loi est donc aboli et la logique de la responsabilité qui l'établissait est comme défaite ; un nouveau principe de justification est établi, par la grâce de Dieu, au moyen de la foi (cf. Rm 3,24-25).
Depuis la chute du premier homme, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de salut et de communion avec Dieu qu'en vertu de l'alliance conclue en Jésus.
Le régime de la loi, qui réglait déjà le sort des païens (cf. Rm 2,12-16), a été renforcé par la Loi de Moïse (cf. Rm 5,20a). Le but, selon la pédagogie divine, était d'amener les hommes à prendre toute la mesure de leur dette à l'égard de la justice divine et de leur servitude en ce qui concerne le péché, afin qu'ils passassent sous un autre régime, savoir le régime de la promesse dont a bénéficié Abraham et qui n'est autre que le régime de la grâce (cf. Ga 3-4). Certes, ceux qui sont passés sous ce régime continuent de suivre les normes de Dieu que sa loi exprime ; mais ils ne sont plus sous le régime de la loi.
Dans l'Ancien Testament sont donc déjà présents tant le régime de la loi que celui de la foi. Abel (cf. Hé 11,4), déjà, bénéficie de ce régime-ci. Quant à la promulgation de la Loi de Moïse, elle n'élimine pas le régime de la promesse, c'est-à-dire de la foi (cf. Ga 3,17-18 ; Rm 4,6-8). Ce régime, de fait, se rapporte à – il est subordonné à – l'alliance que Jésus allait conclure en se sacrifiant pour les siens, « pour le rachat des transgressions commises » (Hé 9,15) par les croyants avant l'événement de la croix.
Puisque dans l'Ancien Testament Jésus-Christ n'avait pas encore accompli l'œuvre du salut, les péchés, « impunis » (Rm 3,25), des croyants étaient comme mis en réserve jusqu'à l'heure de la croix. La jouissance par ces croyants du régime fondé sur l'œuvre du Christ n'a donc pu être qu' anticipation .
La situation particulière des croyants avant Jésus-Christ explique les dispositions provisoires de Dieu que sont, par exemple, les règles de vie et de culte d'Israël définies par la Loi de Moïse : la circoncision, les sacrifices... Certaines de ces règles ont d'ailleurs pu évoluer en fonction des situations (cf. Lv 17,1-9 et Dt 12,20-21 pour la consommation de viande). L'intention de ces dispositions est pédagogique : rappeler l'échec de l'homme face à la loi (cf. Rm 10,5), et renvoyer au Christ par le moyen d'images, figures et types (cf. Hé 9).
Une fois accompli le sacrifice de Jésus-Christ, l'abolition du régime de la loi en tant que formule pour la justification étant manifeste, les dispositions provisoires de l'Ancien Testament ne sont plus en vigueur telles quelles, et ne concernent les croyants qu'après une transposition conforme à la nouveauté survenue (cf. Col 2,16-17).
En mettant en évidence le péché et la perdition de l'homme, la loi tend à enlever toute illusion de justification par les œuvres ; elle prépare donc à la conversion, elle conduit à Jésus-Christ (cf. 1 Tm 1,8-11). Le chrétien n'est en principe plus concerné par cet usage de la loi ; mais s'il s'accommode de ses péchés et se repose sur ses bonnes œuvres, « le rappel de la condamnation de la loi le réveille opportunément » et le conduit à se repentir.
En tant qu'expressions de la volonté de Dieu, les commandements qui ne se réduisent pas à des dispositions provisoires s'imposent encore au chrétien comme un devoir (cf. Mt 5,17-20 ; 1 Co 7,19 ; Jc 1,25). Ils lui enseignent la conduite à tenir. Le chrétien a en effet besoin de telles instructions pour saisir la direction à suivre et s'appliquer à obéir. C'est ainsi que l'apôtre Paul se déclare « lié par la loi » (littéralement « en-loi », 1 Co 9,21).
L'énoncé de la volonté divine sous la forme de la loi n'est pas rendu inutile par le don de l'Esprit au chrétien, car l'obéissance ne devient pas pour autant purement spontanée. Aussi le Nouveau Testament rappelle-t-il un certain nombre de commandements anciens (cf. Rm 13,9 ; Ép 6,2), et exhorte-t-il les croyants (cf. 1 Th 4,1-12).
L'Esprit de Dieu travaille donc avec la loi de Dieu. L'Esprit, en particulier, rend le chrétien capable d'obéir, le fait accomplir « la justice requise par la loi » (Rm 8,4 ; cf. Ga 5,23). Cette attitude consiste d'ailleurs à aimer Dieu, « car l'amour de Dieu, c'est que nous gardions ses commandements » (1 Jn 5,3).
L'Homme et son salut
Sylvain Aharonian ,
d'après Henri Blocher
( La Doctrine du péché et de la rédemption , Vaux-sur-Seine, Édifac, 1997 rev , p. 119-129 ; 324-326).
Henri B locher, La Doctrine du péché et de la rédemption , Vaux-sur-Seine, Édifac, 1997 rev , p. 124.