Si Dieu cherche le pécheur et lui offre le don du Royaume, il reste néanmoins le Dieu qui rétribue avec justice ceux qui rejettent son offre de grâce (Jr 51,56). Or leur jugement se passe dans l'histoire aussi bien qu'au dernier jour (Mt 11,20-24 ; 23,37-39).
Au dernier jour, ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie éternelle et ceux qui auront fait le mal pour le jugement (Jn 5,28-29). Mais en Jean 12,48, Jésus précise que la norme du jugement en ce jour-là sera ses paroles : ceux qui ne les auront pas reçues, en particulier ceux qui n'auront adoré que des lèvres (Mt 7,22-23), seront refoulés. Le jugement futur a donc atteint le présent dans la personne du Christ, car ce jugement sera essentiellement l'exécution de la condamnation déjà scellée et déterminée sur la base de la réponse donnée au Christ maintenant (Jn 3,18-19 ; cf. Mt 10,32-33).
Autrement dit, le jugement, comme la résurrection, est encore une expérience à venir ; mais c'est aussi une expérience spirituelle présente au moment où l'homme méprise la personne et le ministère de Jésus. En revanche, celui qui croit en Jésus a déjà reçu le verdict d'acquittement, et dans ce sens n'entendra rien de nouveau au jugement (Jn 5,24) – il doit cependant comparaître devant le tribunal de Christ (2 Co 5,10 ; Ap 20,11-15 ; Mt 25,46).
Ainsi faut-il comprendre la menace faite à Adam : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras. », le « tu mourras » signifiant « tu tomberas sous le coup d'une condamnation à mort » (comme en 1 Rois 2,37.42). Cette condamnation par laquelle le pécheur est privé du droit de vivre n'attend pas le Dernier Jour, quand le jugement sera prononcé définitivement et publiquement ; « le verdict est pré-formé dès l'accomplissement de la démarche coupable, il pèse sur le pécheur, qui demeure sous la colère de Dieu (Gn 3 ; Jn 3,18.36…). C'est ainsi que le pécheur est perdu , et non pas seulement en voie de perdition. »
Le jugement final sera d'autre part l'aboutissement des jugements partiels de l'histoire. À travers les siècles, des jugements divins se sont abattus sur les hommes : le déluge, les plaies d'Égypte, l'exode d'Israël… Mais vient le jour du règlement définitif, où toutes les injustices qui nous choquent aujourd'hui seront rétribuées (Mt 13,41-42).
Lorsqu'au jour du jugement le monde entendra la proclamation de la signification de la croix et de la résurrection, il sera convaincu de ce que Dieu ne passe pas par-dessus le mal et que le péché ne saurait avoir le dernier mot (1 P 1,16-17). Ainsi la mort du Christ donne l'assurance qu'un jour seront jugés le prince de ce monde et le monde lui-même (Mt 25,41). En ce Jour, les injustes subiront la colère de Dieu (Rm 2,5 ; 1 Th 1,10), mais cette colère décrit aussi le rapport actuel entre Dieu et ceux qui sont sans Christ (Ép 2,3 ; Rm 1,18). Elle exprime comment Dieu agit à l'égard du péché, dans le présent et dans l'avenir.
Par le jugement final des impies, Dieu assurera aussi son triomphe ; il glorifiera sa souveraineté en faisant enfin cesser le scandale permis par sa patience, à savoir qu'une créature nargue son Seigneur. En effet, lorsque le Jour sera là, tout genou fléchira, toute langue confessera la vérité (Ph 2,10). Mais déjà maintenant, en subissant un châtiment partiel, le pécheur sanctifie le Seigneur (Éz 38,16). C'est un principe scripturaire que Dieu est glorifié par ses jugements (És 5,16).
L'Apocalypse, d'autre part, représente le temps de la grande tribulation comme celui où se manifestera le jugement de Dieu contre les hommes. Or la colère de Dieu en ces terribles instants qui précèdent l'aurore du siècle nouveau doit mener les hommes à se repentir avant qu'il ne soit irrémédiablement trop tard : en répétant que les hommes ne se sont pas repentis et n'ont pas glorifié Dieu lorsque sa colère s'est abattue sur eux (Ap 9,20.21 ; 16,9.11), l'Apocalypse fait bien ressortir le caractère miséricordieux du jugement de Dieu.
Les épreuves subies par les croyants ne sont rien en comparaison de l'ardeur de la colère divine contre le mal (Pr 11,31 ; 1 P 4,18) ; cependant, elles sont le début du jugement ultime dans la mesure où elles appartiennent aux « temps de la Fin, temps des sanctions, temps de l'instauration de l'authentique, du permanent » . Or ce jugement qui atteint les croyants est aussi éducation par le Père.
Le jugement, en effet, « commence par la maison de Dieu » (1 P 4,17 ; cf. Jr 25,29 ; Ha ; So 1-2), et il distingue, sépare, purifie en éliminant ce qui est douteux ou superflu (1 P 1,6-7). Il souligne l'exigence de sainteté placée sur la vie chrétienne (1 P 1,14-16), afin que le croyant se conduise « avec crainte » (1 P 1,17).
L'Église et son espérance
Sylvain Aharonian
Henri B locher , La Doctrine du péché et de la rédemption , Vaux-sur-Seine, ÉDIFAC, 1997 rev , p. 43 s..
Samuel Benetreau , La Première Épître de Pierre , Vaux-sur-Seine, ÉDIFAC, 1992 2 , p. 255 s..