Le baptême de Jean-Baptiste était un signe de repentance et une demande de pardon (Mt 3,6). Mais Jésus n'avait aucun péché à confesser ; il ne ressentait aucune culpabilité qui aurait pu le conduire à une conversion.
Jésus-Christ est homme, mais, lui seul, exempt de toute faute et souillure (És 53,9 ; 2 Co 5,21 ; Hé 4,15 ; 7,26 ; 1 P 1,19) ; il a mis au défi ses adversaires de désigner en lui un péché (Jn 8,46) et a pu affirmer que le prince de ce monde n'a rien en lui (Jn 14,30). Jésus n'est donc tombé dans aucun péché d'omission, de tendance, d'attitude.
Jésus s'humilia en Serviteur par la soumission qu'il consentit aux obligations et contraintes communes, alors qu'il aurait pu s'en exempter en vertu de ce qu'il était, lui seul. Il s'est rendu semblable à ses frères pour les servir, pour se charger de leur cause.
Ainsi Jésus s'est placé sous la loi : c'est ce qu'indique notamment son baptême au Jourdain (Mt 3,13-17), Jean-Baptiste ayant été autorisé par Dieu à imposer aux membres du peuple ce nouveau signe d'obéissance. Jésus n'avait pas à s'y soumettre, d'où la surprise de Jean (Mt 3,12-17). Mais Jésus s'identifia par là aux pécheurs ; il entra dans le rôle du Serviteur dont la voix céleste lui appliqua la prophétie (És 42,1) et qui devait le conduire au baptême métaphorique de la mort (Mc 10,39 ; Lc 12,50) ; il prit symboliquement sur lui les péchés symboliquement déposés dans le fleuve par les pénitents.
Bien que le sens du rite fût changé dans son cas, le baptême n'en était donc pas moins pour Jésus humble obéissance à l'exigence commune, puisqu'il s'agissait pour lui de se mettre au rang des coupables.
En se faisant baptiser, Jésus, comme les autres, justifia Dieu (Lc 7,29) – c'est-à-dire attribua la justice à Dieu et trouva juste son attitude au travers de Jean – et confessa l'origine divine de la mission de Jean-Baptiste ; comme les autres, il se consacra à Dieu en vue de l'imminence du Règne. Le baptême de Jésus a été ainsi un moyen pour lui de s'identifier à ce que représentait l'œuvre de Jean-Baptiste, en prenant position en faveur de la nouvelle communauté spirituelle de ceux qui changeaient de vie.
La voix qui vint du ciel (Mt 3,17) désigna Jésus comme Fils de Dieu dans le sens de Fils unique de Dieu – le mot grec traduit par « bien-aimé » est plusieurs fois synonyme dans la Bible du mot « unique », si bien qu'au 3 e siècle avant JC les traducteurs juifs de l'Ancien Testament à qui l'on doit la version grecque des Septante ont traduit, en Gn 22,2.12.16 ; Am 8,10 et Jr 6,26, l'équivalent hébreu de « unique » par le terme grec que nous rendons par « bien-aimé ». D'ailleurs l'expression « mon Fils bien-aimé » employée à propos de Jésus dans les récits de son baptême fait écho à « ton fils, ton unique » employé à propos d'Isaac, le trésor chéri de son père, en Gn 22,2 lors de l'épisode de Moriya.
Cette désignation par le Père, au bord du Jourdain, attesta l'identité de Jésus, mais elle ne fit pas de Jésus le Fils, comme l'affirmait l'hérésie adoptianiste selon laquelle Jésus, simplement homme, aurait été adopté comme Fils lors de son baptême. Jésus est Fils de Dieu de toute éternité ! La voix qui se fit alors entendre décrivit le statut permanent de Jésus et confirma la conscience préalable que Jésus avait déjà de son état filial.
Est également hérésie la pensée de Cérinthe d'Éphèse, qui confessait un homme Jésus sans identité avec le Christ céleste, lequel était censé s'être posé sur Jésus lors de son baptême et retiré avant la croix (cf. la riposte en 1 Jn 5,6) ; il refusait l'union véritable entre le Révélateur-Sauveur céleste et la chair, union pourtant fondamentale pour notre salut en Christ.
Jésus a été désigné comme le « baptiseur d'Esprit Saint » (Jn 1,33), et la déclaration du Père, associant le Ps 2,7 à És 42,1, équivaut à la reconnaissance de la double mission de Messie davidique – c'est-à-dire d'Oint du Seigneur et de Fils de David devant régner à jamais – et de Serviteur de l'Éternel. La descente de l'Esprit a donc eu valeur de signe et de qualification pour le ministère publiquement assumé par Jésus à partir de ce moment-là.
D'autre part, aucun texte biblique ne dit que Jésus ait « reçu » l'Esprit lors de son baptême, ou que l'Esprit lui ait été « donné », ou encore que Jésus ait été « baptisé » dans l'Esprit Saint ; Jean 3,34 affirme au contraire un don permanent, sans mesure.
Jésus-Christ et son œuvre
Sylvain Aharonian
Nous reprenons en grande partie dans ce paragraphe les propos d'Henri Blocher dans Christologie , Vaux-sur-Seine, Édifac, 1986, p. 247.